Liège, le 30 janvier 2017
Lettre ouverte à Monsieur le ministre de l’économie, Jean-Claude Marcourt
Monsieur le ministre,
« Il ne nous revient pas de prendre en compte les impacts négatifs du projet sur le tissu économique » : voilà ce que le directeur de Meusinvest répond (dans Le Soir de ce samedi 28 janvier) à la question de savoir quel impact aura l’investissement consenti par Meusinvest et par la SRIW dans le projet « Médiaciné » (5 millions d’euros au total).
Ce projet de dix nouvelles salles de cinéma dans le quartier du Longdoz, à Liège, risque pourtant, si l’on en croit l’étude d’incidences sur l’environnement réalisée par le bureau CSD Ingénieurs, d’avoir de lourdes conséquences sur le tissu économique existant, notamment en entrainant la fermeture du cinéma Palace, dans le centre-ville, et la fragilisation des cinémas de l’asbl Les Grignoux — et plus globalement un recul de l’activité de l’ensemble de l’hypercentre liégeois, par la réduction de la fréquentation du centre-ville de plusieurs centaines de milliers de personnes par an qu’il entrainerait. De surcroît, l’auteur de cette étude ayant été, comme le veut la législation régionale, choisi et rémunéré par le promoteur du projet lui-même, il est permis de s’interroger sur les conclusions — peut-être plus inquiétantes encore — que donnerait une étude indépendante réalisée sur le sujet.
Cette activité qui risque d’être perdue au centre-ville de Liège sera-t-elle regagnée ailleurs ? C’est peu probable. On sait en effet — Madame la professeure Bernadette Mérenne l’expliquait encore récemment — que la complémentarité entre un complexe de cinéma et une galerie marchande est peu optimale (notamment parce que les commerces sont fermés aux heures de plus grande affluence dans les cinémas). Et le projet « Médiaciné », loin d’être la locomotive qui pourrait faire revivre le quartier du Longdoz comme à l’époque où s’y trouvait la deuxième gare de Liège, est localisé au bord d’une voie rapide, loin de la rue Grétry, et privilégie un modèle très largement tourné vers la mobilité automobile et le parking qui va avec.
Bref : il est possible sinon probable que le projet « Médiaciné » ne détruise, s’il devait voir le jour, plus d’emplois qu’il n’en créerait.
Et je ne parle même pas des effets secondaires, comme le problème que posera potentiellement la réhabilitation d’un complexe de cinémas abandonné dans le centre-ville, pour laquelle il n’est pas à exclure que de l’argent public soit une nouvelle fois sollicité.
En somme, vous comprendrez que, face à de tels éléments, je m’interroge sur l’usage de fonds publics explicitement destinés… au développement économique
Appartenant à un groupe politique qui n’est pas encore représenté au Parlement wallon, je prends dès lors la liberté de m’adresser à vous, Monsieur le ministre, à travers cette lettre ouverte et de vous poser les trois questions suivantes. Si un invest public considère — et, en l’espèce, admet publiquement — qu’il ne lui revient pas d’évaluer l’impact des investissements qu’il réalise sur le tissu économique, de quelle manière la Région évalue-t-elle l’impact global de cet invest ? Comment vous assurez-vous qu’il œuvre réellement au développement économique et pas simplement à la délocalisation d’activités, financée par de l’argent public, chose qui serait quand même quelque peu gênante ? Les pouvoirs publics (notamment la Région wallonne, la Communauté française et la Ville de Liège) ont mobilisé des ressources importantes pour permettre la création du cinéma « Sauvenière » et, à travers ce projet, la pérennisation du projet de l’asbl Les Grignoux, dont la qualité et la singularité sont reconnues au niveau européen. Disposez-vous de mécanismes pour éviter qu’un investissement réalisé à travers un invest régional ne porte directement atteinte à des politiques menées par ailleurs, comme cela semble être le cas ici ? Pouvez-vous me dire s’il existe une clause dans les contrats conclus entre un invest public et un acteur économique permettant le retrait dans le cas où il serait avéré que le projet va se solder par une destruction nette d’emplois ?
Je vous remercie vivement, Monsieur le ministre, pour l’attention que vous aurez réservée à la présente et pour la réponse que vous prendrez éventuellement la peine de me faire. Je vous prie d’agréer l’expression de mes salutations distinguées.
François Schreuer
Conseiller communal de la Ville de Liège
PS : Copie de la présente est adressée aux députés wallons de la circonscription de Liège ainsi qu’au bourgmestre de la Ville Liège et à son échevin de l’urbanisme et de la culture.
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