La prison est toujours un échec, une dernière extrémité. Je ne vais pas commencer à me réjouir qu’elle existe parce que Nicolas Sarkozy y entre. Dans une démocratie effective, dotée de contre-pouvoirs fonctionnels, il est probable que Sarkozy n’aurait tout simplement pas eu l’occasion de commettre les méfaits pour lesquels il a été condamnés et ç’aurait été beaucoup mieux pour tout le monde.
Par contre, il me semble important de rappeler, comme le tribunal l’a fait, la « gravité extrême » des faits pour lesquels il a été condamné. Sarkozy a donc — c’est désormais une vérité judiciaire — conclu un pacte de corruption avec un dictateur, au terme duquel il devait intervenir en faveur de la réhabilitation d’un terroriste ayant causé la mort de 170 personnes en échange d’un financement occulte de sa campagne présidentielle. Il vient d’être condamné pour cela en première instance à cinq ans de prison.
Ce financement occulte lui a sans doute permis de gagner l’élection présidentielle de 2007. Les millions libyens ont inévitablement faussé cette élection et donc, possiblement, orienté le cours de l’histoire française et européenne dans le sens de plus d’inégalités, de plus d’injustice sociale. Il s’agit sans doute d’un moment déterminant dans la réhabilitation des idées d’extrême-droite en Europe (souvenez-vous de Sarkozy qualifiant la jeunesse racisée de « racailles ») qui a mené à la grande résurgence du fascisme.
Notez : il a par ailleurs été condamné (en première instance et en appel) pour dépassement des dépenses électorales lors de sa campagne de 2012 (affaire dite « Bygmalion »), lors de laquelle il a littéralement explosé le plafond autorisé, avec un dépassement estimé à 17 millions d’euros (soit quasiment le double de ce qui était permis) et environ 20 millions d’euros en liquide (dont l’histoire ne dit pas d’où ils viennent).
Il a également été condamné dans l’affaires des écoutes, pour corruption également. Et il est encore poursuivi dans plusieurs autres affaires.
Les actes posés par l’association de malfaiteurs composée par Nicolas Sarkozy et son entourage (là encore, c’est désormais une vérité judiciaire) ont profondément porté atteinte à la démocratie française. Les conséquences pour la société dans son ensemble sont de toute évidence incommensurablement plus importantes que celles de nombreux crimes et délits pour lesquels tant de gens volent en prison tellement plus vite que Sarkozy lui-même.
Soulignons d’ailleurs que les conditions de détention de Sarkozy — même si elles risquent de le changer fortement de son ordinaire doré — seront sensiblement meilleures que celles de la plupart des détenus de France (pour lesquels il n’a jamais eu un geste de mansuétude lorsqu’il était au pouvoir, malgré les innombrables rapports dénonçant les conditions effroyables dans lesquels ils vivent) : il bénéficiera d’une cellule personnelle, récemment rénovée (photo), quand la plupart des personnes incarcérées vivent à trois par cellule de 9m2, dans des bâtiments vétustes voire insalubres.
Les réactions de la droite française, qui après avoir appelé depuis des décennies à un durcissement effroyable de la répression pénale (il y a mille citations plus cinglantes les unes que les autres à cet endroit, en particulier venant de Sarkozy lui-même), s’époumone d’indignation parce que leur leader délinquant finit, après des condamnations dans TROIS affaires différentes, par subir une part infime du châtiment qu’il voulait réserver au moindre dealer de shit, témoignent de la rupture des digues démocratiques. Le ministre de la justice Darmanin a annoncé qu’il allait rendre visite au délinquant dans sa prison. Le président Macron a jugé bon de le recevoir juste avant son incarcération. Les leaders de la droite rivalisent d’incongruité pour dire pis que pendre de la justice. Comment une telle chose est-elle seulement possible ?
Bien entendu (mais qui cela surprendra-t-il ?), « notre » petit caudillo montois n’a pas loupé l’occasion de s’aligner sur ce concert de jérémiades, en profitant au passage pour se comparer à Sarkozy et pour se victimiser (je le cite : « C’est fou à quel point ce schéma me fait penser à des pratiques à l’œuvre chez nous. La conclusion est qu’il en faut du courage pour être de droite etc ») et reprenant mot pour mot les éléments de langage de l’extrême-droite. Notez que cette déclaration aurait en principe dû causer un incident diplomatique, mais nous sommes de toute évidence dans un « après » où la question ne se pose même plus.
Aujourd’hui, comme l’indique Mediapart, dans le rassemblement des amis de Nicolas Sarkozy, on criait « À mort les journalistes, à mort les juges ». J’ose espérer que cela se passe de commentaires.
Toutes mes pensées vont aux familles des victimes de l’attentat du vol UTA 772. Et à toutes les personnes qui sont tombées dans la pauvreté, qui ont été violentées, dont les droits ont été bafoués du fait de l’arrivée de Sarkozy au pouvoir.
PS : Si vous souhaitez en savoir plus sur l’affaire libyenne, je suggère la vision du documentaire de Yannick Kergoat « Personne n’y comprend rien ».
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