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« La plus grande régression sociale depuis 80 ans »

Il faut le dire et le redire : la majorité « Arizona » qui s’annonce au fédéral — soit très exactement l’alliance DeWever/Bouchez que nous redoutions tant, appuyée en godillots par Maxime Prévot et Conner Rousseau — se profile l’instrument d’une attaque sans précédent contre la Sécurité sociale. Je pense que Thierry Bodson (FGTB) a trouvé les mots justes en parlant de « la plus grande régression sociale depuis 80 ans ».

Je sais que cela déplait beaucoup aux militants de « Les Engagés » qu’on le rappelle (au MR, ils ont l’air plus à l’aise avec le saccage qui arrive), mais cette nouvelle majorité — et avec elle toutes celles & tous ceux qui la soutiennent — s’annoncent comme les fossoyeurs de notre modèle social.

À bon droit, on me demande : « Mais en quoi ? ». Voici quelques exemples, tirés de la « Super Nota » de De Wever (n’hésitez pas à compléter en commentaires).

  • La limitation du chômage dans le temps mènera à la précarisation de centaines de milliers de personnes à qui aucun échappatoire n’est offert (contrairement au discours de campagne de Prévot, qui promettait un emploi à chaque personne après deux années de chômage), dans un contexte où beaucoup trop peu d’emplois sont proposés. Cela mènera aussi au transfert des coûts vers les CPAS donc les communes. Cette seule mesure va mettre la tête sous l’eau à toutes les grandes villes, tout en renforcement dramatiquement les inégalités territoriales, dans un effet boule de neige de la pauvreté : les communes pauvres ploieront sous le fardeau, n’auront plus aucune marge pour d’autres politiques, s’appauvriront d’autant plus et ainsi de suite.
  • Le second pilier de pension obligatoire signifie l’exposition d’une partie de nos pensions au risque boursier (par principe, thésauriser et mettre en bourse est plus dangereux, moins robuste que le système de répartition, qui affirme un principe de solidarité « au présent ») et donc la privatisation d’une partie du système de pensions.
  • La remise en cause de l’indexation des salaires bruts, pour promouvoir un fumeux concept d’indexation du net, mène (entre autres choses) au définancement structurel de la Sécu (puisque les cotisations sociales vont s’anémier progressivement, en valeur réelle). C’est peut-être la plus grosse arnaque, d’autant plus redoutable que beaucoup de gens ne voient pas le piège immédiatement.
  • Le remplacement du certificat d’incapacité par un certificat d’aptitude (et de façon générale le gros coup de pression mis sur les malades de longue durée) + sanction des médecins sortant de la norme va mécaniquement accroître la pression sur les personnes vivant dans des territoires en difficulté — où, statistiquement plus de personnes sont en mauvaise santé, car la santé, je ne vous apprends rien, est largement déterminée par des facteurs sociaux et environnementaux (eh oui, si vous vivez dans un studio mal isolé, bruyant, au bord d’une grand-route à Mons, tout en vous cassant le dos à faire des ménages en titres-services... ou dans une villa à Lasne en étant députée fédérale, vos chances d’être en bonne santé ne sont pas les mêmes). Sachant que l’Ordre des médecins sanctionne déjà les comportements abusifs (mais sur une base contradictoire).
  • Extinction progressive des régimes de fins de carrière et de prépensions : on va avoir encore plus de vieux pauvres, de gens de 55 ans sans la moindre perspective, qui vont s’abîmer, devoir justifier d’une recherche d’emploi alors qu’on sait parfaitement que, sauf qualifications très particulières, leurs chances de retrouver de l’emploi sont, dans l’état actuel des choses, quasi nulles, subir les milles facettes de l’humiliation sociale, laquelle détruit lentement mais sûrement la plupart des individus qui y sont soumis. Alors qu’un statut social protecteur leur offrirait l’occasion de faire plein de choses utiles (on a tant besoin de jeunes retraités motivés dans nos clubs sportifs, nos associations, nos liens de quartiers,...).
  • La réintroduction du jour de carence mènera beaucoup de travailleurs à aller au boulot malades, à contaminer leurs collègues. Un non-sens qui a été largement démontré. Garantir à chaque travailleur de rester à domicile dès le 1er jour de maladie, c’est 1/4 de circulation des virus respiratoires en moins |1|.
  • Enfin, l’attaque contre les retraites s’annonce globale, transversale, nécessiterait une note d’analyse spécifique. Mais je note notamment que les périodes de préretraite, de chômage de longue durée et d’emplois d’insertion ne seront plus prises en compte, si ce gouvernement voit le jour, dans le calcul du montant des pensions. Là encore une mesure qui va plonger de très nombreuses personnes dans la pauvreté.

À cela, il faut en outre ajouter une attaque frontale qui se prépare contre le droit du travail (suppression du repos hebdomadaire, banalisation du travail de nuit, etc) et contre les organisations syndicales (qui évitent tant d’abus par leur présence, leurs combats quotidiens dans les entreprises) et les mutualités (qui défendent une vision collective de la santé). Là aussi, cela se traduira par une dégradation progressive de la santé des travailleurs, et donc un système de santé encore plus mis sous pression.

Dès lors, je dis aux personnes qui ont voté pour « Les Engagés » en pensant défendre une société humaniste, à celles qui ont rejoint ce parti au nom d’un discours d’espoir, de renouveau : il est encore temps de refuser d’être les complices du gigantesque hold up qui se prépare contre nos droits sociaux.