L’endroit était choisi : un club de golf appartenant à Trump ET situé au Royaume-Uni (oui, le seul pays qui a jamais quitté l’Union, n’y voyez aucun hasard), où les Européens, en perdants professionnels, ont bien évidemment accepté de se rendre pour finaliser la négociation.
Von der Leyen y a donc topé avec Trump : l’Europe payera. Beaucoup. Énormément. 15% de droits de douane (non réciproques). Mais aussi 750 milliards de dollars (un contrat colonial étant logiquement libellé dans la monnaie du maître, le risque de change est toujours pour le faible) en achats d’énergies (prohibitives et écocidaires, genre gaz de schiste). Et encore 600 milliards en investissements.
EN PLUS de ce qu’on paie déjà (et, depuis la guerre en Ukraine, du gaz de schiste yankee, on en achète déjà BEAUCOUP et beaucoup trop cher).
Qui s’ajouteront aux centaines de milliards d’absurdes achats d’armes US annoncés par la même Von der Leyen. Des armes qui ne contribueront de surcroît en rien à notre émancipation géopolitique dès lors que nous n’aurons le droit de les utiliser qu’avec l’accord d’Uncle Sam. Avec des gouvernants comme ça, nul besoin d’ennemis.
On s’apprête donc, par pure soumission, à envoyer de l’autre côté de l’Atlantique quelques milliers de milliards dont nous aurions le plus urgent besoin (pour de menues dépenses telles que préparer le choc climatique, répondre à la crise du logement ou préserver nos systèmes de protection sociale).
Notre appauvrissement n’est plus une hypothèse.
Cette poignée de main n’a juste aucun sens.
Sinon celui-ci : Trump a décidé que c’est nous qui allions financer sa révolution fasciste… et les poltrons qui pilotent l’Union européenne se sont couchés devant cette exigence ubuesque (à moins, pire encore, qu’ils ne soient pleinement d’accord et fassent ce choix de gaieté de cœur).
Que la honte les ensevelisse, eux et tous ceux qui les soutiennent.
En complément à ce billet, je reprends un extrait d’un article de Romaric Godin paru dans Médiapart, 28 juillet 2025.
« En 2024, l’excédent commercial européen en biens avec les États-Unis a atteint 197,5 milliards d’euros. En théorie, cet excédent aurait dû être un atout : il est la preuve que l’économie états-unienne a davantage besoin des produits européens que l’inverse. En coupant, avec des droits de douane gigantesques, l’accès à ces produits, l’administration Trump prenait le risque de déstabiliser son propre marché.
Mais par la magie de l’UE, cette force s’est changée en faiblesse. Alors que la croissance européenne est au point mort et que les Européens sont incapables d’envisager des alternatives, il est devenu crucial de préserver les exportations et cet excédent. Et pour ce faire, on est prêt à sacrifier le reste de l’économie.
En réalité, il n’y a là rien de nouveau. L’obsession de l’UE pour les exportations trahit une vision déformée de l’économie qui laisse sur le carreau la majeure partie des activités européennes. C’est une stratégie menée depuis des années par l’UE ; depuis la stratégie de Lisbonne dans les années 2000 jusqu’à cet accord de 2025, en passant par les politiques d’austérité des années 2010, la logique a toujours été de sacrifier la demande intérieure pour favoriser la « compétitivité » des exportations.
Le résultat a été désastreux. Le PIB européen était jadis le premier du monde, il est désormais dépassé de plus de 9 000 milliards de dollars par les États-Unis et en passe d’être surpassé par la Chine. Plus l’Europe préservait ses excédents commerciaux, plus son économie s’affaiblissait. Cette protection a fini par nuire aux exportateurs eux-mêmes, qui ont sous-investi dans leur outil de production. En dix ans, la part de l’UE dans les exportations mondiales est passée de 15,8 % à 14,5 %.
La logique économique européenne est un échec. Mais les dirigeants européens n’en connaissent pas d’autres et continuent de construire leurs politiques dans l’intérêt des groupes industriels exportateurs. C’est là la vraie entrave au développement d’une politique authentiquement européenne, c’est-à-dire favorable aux populations européennes.
L’accord du 27 juillet trahit cette faiblesse fondamentale : obsédée par sa compétitivité extérieure, l’Europe est prête à oublier son intérêt général. Mais il ne faut pas s’y tromper : cette stratégie est le reflet de rapports de force sociaux. L’accumulation du capital est concentrée sur une poignée de secteurs, alors que le reste de la société doit s’ajuster avec des salaires faibles et une réduction de la protection sociale. Et ceux qui détiennent le pouvoir feront payer les effets de l’accord au reste de la société.
Déjà, le ministre français chargé du budget et des comptes publics, Laurent Saint-Martin, a prévenu dans un post de réaction à l’accord sur LinkedIn : ’Il est urgent de renforcer la compétitivité européenne afin de continuer à gagner des parts de marché.’
L’histoire est écrite : la guerre commerciale est peut-être évitée, mais la guerre sociale, elle, n’en sera que renforcée. L’occasion de construire, enfin, une autre Europe a été décidément manquée. Mais, à la vérité, cette option n’a jamais été sérieusement envisagée par le consensus qui dirige l’UE et qui s’accroche, en dépit des échecs répétés, à maintenir un statu quo nécrosant pour le Vieux Continent. »
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