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Tram : « L’Europe nous pousse vers la privatisation »… Vraiment ?

La tonalité du jour, après l’annonce du coup d’arrêt mis par Eurostat au projet de tram liégeois — tonalité qu’on retrouve autant chez les partis de la majorité actuelle et sortante que dans la presse, un peu complaisante, je trouve —, c’est (je cite le titre de l’article en édition nationale du Soir du jour) : « L’Europe pousse le tram de Liège vers le secteur privé ».

Je suis en désaccord avec cette interprétation.

1. Il est fondamentalement sain sur le plan budgétaire d’inscrire les « Partenariats publics privés » (PPP) dans le périmètre des dettes publiques. La « débudgétisation » (faire de la dette, mais sans lui donner ce nom) est une pratique dangereuse pour les finances publiques, dont la conséquence est souvent le détricotage du service public. Elle est aussi anti-démocratique en ce qu’elle complique sinon empêche le contrôle du Parlement sur la dette publique (et obère les moyens dont devraient disposer les majorités futures). Nous devrions nous réjouir que les « PPP » perdent cet avantage indu qu’ils avaient sur l’investissement public.

2. « L’Europe » (en l’espèce Eurostat) ne fait ici qu’appliquer des règles qui ont été votées par… ceux-là mêmes qui les dénoncent aujourd’hui. Un peu facile de tout lui mettre sur le paletot !

3. La conclusion que tirent la majorité wallonne et différents médias (« l’Europe nous pousse à privatiser ») n’est pas la seule possible. On peut effectivement poursuivre la fuite en avant actuelle. On se rappellera qu’il avait d’abord été question, pour construire le tram de Liège, d’un « DBF » (Design, Build & Finance), que l’on e, était ensuite venu à un « DBFM » (en ajoutant donc « Maintain » dans les missions du « partenaire » privé) pour, soi-disant, être sûr de passer sous les fourches caudines de « l’Europe ». On parle à présent d’un « DBFMO » (en ajoutant « Operate », soit en privatisant la seule chose qui ne l’était pas encore : l’exploitation de la future ligne). Ce chemin de renoncement n’est pas le seul possible : comme je l’indiquais hier, on peut aussi revenir à un financement et à une exploitation entièrement publics, ainsi qu’on l’a fait pour d’autres projets. Les avantages en seraient multiples : réduction substantielle des coûts, beaucoup plus grande souplesse pour faire évoluer le projet et l’adapter aux autres éléments du dispositif de mobilité à construire dans l’agglo, etc.

4. Qu’est-ce qui s’oppose à ce scénario ? Principalement une chose : les traités austéritaires (notamment le TSCG) qui limitent de façon draconienne la capacité d’investissement du secteur public. Ils ont été votés ces dernières années… notamment par tous les partis qui composaient la précédente majorité régionale (PS, CDH et Ecolo), de même que par le MR. Nous avons — comme des dizaines de milliers de voix dans le mouvement social — dénoncé à de multiples reprises ces votes, manifesté contre eux, en indiquant qu’ils auraient des conséquences terribles sur le quotidien de nos concitoyens, notamment en rendant beaucoup plus difficile la réalisation d’investissements indispensables au bien-être de la population ou à la transition de notre économie vers un modèle énergétiquement plus soutenable. Nous y voilà !

Plutôt que de s’enfermer dans des explications vaseuses, de feindre la surprise ou d’expliquer que la seule possibilité qui nous reste de développer le service public (mais ce mot est-il alors encore d’application ?), c’est de recourir à la privatisation intégrale, PS, Ecolo et CDH feraient bien de faire un minimum d’examen de conscience et de réfléchir à la manière dont nous pouvons — dont nous devons, c’est en train de devenir une question de survie — sortir du carcan austéritaire européen qu’ils ont eux-mêmes contribué à tresser.