Dix ans et plus après les grandes batailles pour la liberté de partager la culture sur le web, force est de constater que le combat est largement perdu.
La licence globale — qui offrait pourtant un bon compromis entre accès large aux contenus culturels et rémunération des auteurs — est restée à ce stade un vœu pieux.
La durée de protection des œuvres, tellement longue qu’elle n’a plus pour objet la défense des créateurs, mais une patrimonialisation au service de leurs héritiers, n’a été remise en cause par personne (quel est le parti qui a à son programme une réduction de la durée de protection ?).
Les sociétés d’auteurs continuent à servir principalement les intérêts des artistes les plus vendeurs, au détriment de l’immense majorité des créateurs. Et elles continuent absurdement à voir dans l’échange de données en ligne un préjudice proportionnel à la valeur marchande de ces données.
Les outils d’échange décentralisé de données en ligne (le protocole BitTorrent, notamment) sont aujourd’hui plus volontiers considérés comme relevant de la criminalité organisée que de l’émancipation humaine (alors que l’idée même de P2P est sans doute l’une des plus belles choses que l’épopée du net nous ait donnée).
L’offre légale, enfin, est contrôlée par un oligopole plus ou moins lié aux majors (si vous rêviez à l’apparition de petits disquaires indépendants en ligne, vous avez sans doute eu l’occasion de retomber douloureusement sur terre) et sa diversité est une insulte réitérée aux usagers culturels : DRM à gogos, formats propriétaires systématiques, qualité ridicule (oui, on vend toujours des DVD, alors que n’importe quel écran a une résolution au moins triple), commercialisation tardive, archives désolantes de conformisme,...
Le rêve de la grande médiathèque universelle, lieu de partage désintéressé du savoir et de la culture, s’éloigne peu à peu. Et quoi qu’on en dise, l’immense annuaire de liens francophones qu’était T411 — qui vient d’être fermé par la maréchaussée — est ce qui, dans notre paysage dévasté, s’approchait le plus d’un tel lieu, à ma connaissance.
Notre destin est d’être et de rester des consommateurs.
J’ai mal à mon net...
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