Première réaction, à chaud, à l’annonce, faite ce matin de la fermeture d’une grande partie des usines sidérurgiques encore ouvertes en région liégeoise. Ce texte a été repris comme « carte blanche » par Le Soir en ligne .
Le démantèlement de la sidérurgie liégeoise auquel nous assistons depuis des décennies – et qui a connu ce jeudi un nouveau tour particulièrement douloureux – n’est en aucune manière un « drame », comme d’aucuns l’écrivent aujourd’hui avant, probablement, de s’en désintéresser demain. Un drame, c’est le produit de la fatalité, c’est imprévisible, c’est « la faute à pas de chance ». Rien de tout cela n’est valable dans le cas présent. La situation est la conséquence de processus bien identifiés.
1) Le vote constant, par presque toutes les forces politiques du pays, en ce compris l’immense majorité de la gauche parlementaire (et, dans la plupart des cas, avec un soutien syndical non négligeable), de traités européens qui ont petit à petit interdit toute politique économique publique sur notre continent – ce que personne d’autre ne fait dans le monde, pas même les Etats-Unis. On peut parler d’une constitutionnalisation du néo-libéralisme. L’hypocrisie de ceux qui votent les traités européens mais versent des larmes de crocodile lorsque les conséquences s’en font sentir doit être dénoncée sans complaisance.
2) Une incapacité des différents responsables, dont bon nombre de Liégeois, depuis le non-achèvement de la ligne intégrée à Chertal, à faire évoluer l’outil de manière structurelle. Là où beaucoup de sites concurrents ont investi, simplifié les process de production, rationnalisé l’usage de l’énergie et la géographie de leurs sites… Liège a beaucoup trop vécu sur ses acquis (une localisation exceptionnelle et un savoir-faire qui n’est pas moins) et campé dans un immobilisme mortifère depuis 40 ans. On le paie cash aujourd’hui.
3) Un désintérêt – c’est un euphémisme – de la Flandre et donc du fédéral pour l’avenir économique de la Wallonie. On soulignera à cet égard que l’attitude du premier ministre fédéral (un socialiste wallon, aux dernières nouvelles) est juste indéfendable : il a tout simplement laissé en plan les Wallons – et notamment son collègue Jean-Claude Marcourt – lorsque son aide aurait peut-être pu peser dans la négociation avec la multinationale ArcelorMittal. Nul doute qu’il s’apprête à refaire de même, tout en noyant le poisson dans de bons discours larmoyants. Que M. Di Rupo ait pu prononcer à Davos, au moment même où l’annonce de la fermeture était faite à Flémalle, un discours vantant les intérêts notionnels, supposés « créer des emplois » est l’illustration absurde et cruelle de cette situation d’impuissance organisée des pouvoirs publics, qui préfèrent consacrer leurs moyens à des cadeaux fiscaux aux multinationales plutôt qu’à une réelle politique économique.
4) Une politique d’austérité européenne, autoritaire et violente – et désormais officiellement inepte, de l’aveu même des économistes du FMI –, qui a ouvert un cycle de régression économique et sociale et est en train de plonger les entreprises, les salariés et tous les citoyens européens dans la précarité. La désindustrialisation de l’Europe qui est en cours – et s’accélère avec l’austérité – prépare la pauvreté de demain.
Certains retards ne se rattraperont pas en un jour, mais si nous voulons pour Liège et pour l’Europe un avenir moins morose que celui que nous sommes en train de nous préparer, cessons de geindre et retroussons-nous les manches pour apporter des réponses sur ces terrains : se dégager au plus vite du corset néo-libéral européen, stimuler notre capacité d’investissement et d’innovation, sortir de la relation malsaine avec la Flandre dans laquelle le fédéralisme de confrontation nous a plongés et remettre à l’ordre du jour une politique économique keynésienne.
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