En doutiez-vous ? Les banquiers, eux aussi, font de la politique. Et pas de votre côté. Ce n’est donc pas par hasard que la banque ING vient d’annoncer, à moins d’une semaine des élections communales, qu’elle refusait désormais de financer le plan « Oxygène » pour les villes de Liège, Charleroi, Mons, Ath, Namur, La Louvière et Verviers. Ni que le président du MR a immédiatement enchaîné en dénonçant la « mauvaise gestion socialiste » des grandes villes wallonnes (même si dans plusieurs cas, comme à Liège, l’échevinat des finances est occupé… par le MR, mais il n’est pas à ça près).
La question se pose naturellement : les grandes villes wallonnes seraient-elles donc (toutes) mal gérées ? Ou ceci s’explique-t-il autrement ?
Bien sûr, il y a toujours moyen de faire mieux, d’optimiser l’usage de l’argent public et on doit continuellement rechercher les manières d’y parvenir. Cependant, si j’observe le débat public, les pistes de solution, qu’elles soient évidentes — poursuivre l’isolation des bâtiments communaux pour réduire la facture d’énergie, par exemple — ou moins consensuelles — licencier du personnel, vendre des bâtiments publics, fermer des services, renoncer à des investissements nécessaires, diviser par deux la rémunération des élus, etc — restent hors de proportion avec les gouffres financiers auxquels les communes font face : à Liège, où le budget a déjà été « gratté » de tous les côtés, on peut sans doute encore trouver quelques millions d’euros par an sans mettre à mal les fondamentaux.
Dans le même temps, les iniques « cotisations de responsabilisation » (1) en matière de pension des agents communaux représentent à elles seules 700 millions (!) pour les 10 années à venir. Le sous-investissement dans la police fédérale amène la zone de police de Liège à dépenser au moins 10 millions chaque année pour des missions qui devraient relever du fédéral. Le déséquilibre dans le financement des pompiers (où Liège contribue beaucoup plus, par habitant, que les autres communes de la zone de secours) se chiffre aussi en millions chaque année. Et la part communale du Revenu d’insertion — où Liège, là encore, prend bien plus en charge que sa part — représente déjà près d’une quarantaine de millions d’euros chaque année (pour environ 12.000 bénéficiaires du RI), en attendant que ce chiffre explose encore avec les exclusions du chômage qu’annonce la #coalitionArizona (4300 personnes supplémentaires sont visées, ce qui représenterait 20 millions supplémentaires pour financement communal du RI et 3 millions pour le personnel à engager pour gérer ces nouveaux dossiers). Pareil pour la toxicomanie, qui est une problématique trop lourde pour être traitée au niveau communal, mais qui est laissée en grande partie à charge… des grandes villes, là encore. Et je ne prends là que les exemples les plus saillants.
Bref : les niveaux de pouvoir supérieurs ont considéré depuis des décennies que les pouvoirs locaux — et très singulièrement les grandes villes — sont des variables d’ajustement de leur budget. Au point d’arriver, aujourd’hui, à une situation totalement intenable, qui prive les villes des moyens d’action indispensables à leur redéploiement et les entraine donc dans un cercle vicieux d’appauvrissement voyant une baisse des rentrées (la bourgeoisie continue à fuir les villes et paie ses impôts dans les communes « vertes ») et une augmentation continue des dépenses sociales.
Face à cette situation, il aurait fallu depuis longtemps rééquilibrer le jeu, mutualiser des dépenses qui profitent à tous. Mais c’est politiquement complexe dans une Wallonie qui est dominée par un personnel politique périurbain, a fortiori désormais avec une majorité MR-Engagés ataviquement anti-urbaine. Alors qu’a-t-on fait ? On a balayé la poussière sous le tapis : plutôt que de résoudre le problème de façon structurelle, on a imposé aux communes de s’endetter, à travers le « Plan Oxygène » — un plan qui porte bien mal son nom (mais c’est vrai que « Plan protoxyde d’azote », ça sonne moins bien). Et aujourd’hui, on est à l’os.
Que faut-il faire, alors ? Couper dans le financement des crèches, des écoles, du CPAS, de la police,… ? Ou imposer le refinancement des villes ? Sans nul doute, votre vote de dimanche pèsera dans ce débat.
PS : J’ajoute un élément, que Christie Morreale a pointé hier soir dans le grand débat de Sud Presse : si ING est en position de se faire désirer et de jouer les divas, c’est aussi parce que Belfius est entré dans une logique de chantage avec la Région, en conditionnant de nouveaux prêts à la cession d’Ethias. Ça aide à comprendre certaines choses.
Les derniers articles publiés sur le site
- Un article infamant dans la DH
Blog - 7 novembre 2024 - Extensions du tram : derrière le masque de la « bonne gestion »
Blog - 12 octobre 2024 - Quelle majorité à Liège pour la prochaine mandature ?
Blog - 12 octobre 2024 - Sept idées pour l’avenir !
Blog - 12 octobre 2024 - Programme communales 2024
12 octobre 2024 - Développer l’économie liégeoise ? Ce que la Ville et la Province peuvent faire…
Blog - 10 octobre 2024 - La première préoccupation, ce sont les piétons
Blog - 7 octobre 2024