Mon dernier billet sur ce blog, qui portait sur la réforme Clarinval, se concluait par un appel : « Regroupons-nous ! Vite ! »
Ce n’est ni la première ni la dernière fois que je sonne l’alerte quant à la nécessité pour la gauche de retrouver le chemin de l’unité face à la déferlante de droite et d’extrême-droite que nous subissons (le choix de VEGA de se rassembler avec le PS procédait fondamentalement de cette idée), mais l’audience exceptionnelle de ce dernier billet (qui a été vu plus de 210.000 fois, là) a suscité plus de retours qu’à l’ordinaire.
Petit florilège.
Véronique H : « Votre analyse s’impose tristement de la façon la plus évidente. Avez-vous une proposition d’action concrète et efficace qui soit en rupture avec les traditionnelles manifestations, lesquelles me semblent avoir un effet de moins en moins probant hélas. »
Ambrosia D : « Alors : quel est le plan ? Qui le porte ? Et quand commence-t-on ? Le peuple conscient est prêt. Que les meneurs se lèvent, ou qu’ils se taisent. »
Selim S : « Je lis pas mal d’appel de ce genre, et en comprend l’urgence. N’est il pas temps de fixer une date, un lieu, un rdv ? »
Lara F : « Des idées d’actions concrètes ? »
Lud D : « Les textes sont beaux... mais à quoi servent-ils si ils ne déclenchent rien ? »
Constance M : « Vous feriez un tract explicatif imprimable à distribuer dans les boîtes aux lettres ? Je peux en imprimer au moins 200 à mon boulot. »
Violaine P : « Vous dites qu’il est temps d’agir. Vous ne proposez cependant rien de concret. L’heure n’est plus aux annonces et aux discours. L’heure est grave. »
En effet, l’heure est grave et il n’y a pas lieu de tourner autour du pot.
Alors, bien sûr, toute résistance est bonne à prendre. Il faut espérer que la mobilisation syndicale va encore monter en puissance. Il faut espérer que les parlementaires de l’opposition auront l’habileté, la force, l’endurance de différer, atténuer, contrecarrer, saboter autant de mesures antisociales que possible. Il faut espérer, oui, que la Cour constitutionnelle fera respecter le principe de Standstill, qui interdit normalement au législateur de réduire significativement le niveau de protection sociale (sans très bien justifier sa décision, dit cependant la jurisprudence). On peut même espérer que les électeurs des Engagés et de Vooruit se réveillent, expriment nettement leur désaccord et que cela mène ces deux partis (ou un seul d’entre eux) à débrancher ce gouvernement de démolisseurs.
On peut aussi espérer — et travailler à ce — que les services publics et la société civile soient aussi résilients que possible, que nos écoles, nos hôpitaux, nos CPAS… d’une part, nos nombreux associations, syndicats, mutuelles et autres collectifs d’autres part tiennent le choc face à l’offensive qu’ils vont déguster (déjà) mais parviennent de surcroît, par une solidarité accrue, une concentration de leurs ressources sur quelques priorités sociales, à limiter un petit peu les effets des réformes néolibérales qui nous arrivent droit dessus. Plein d’agents des services publics se battent au quotidien pour améliorer la vie des gens. Plein de militants de gauche sont engagés dans mille projets collectifs solidaires, magnifiques, indispensables.
Mais on a dit qu’il ne fallait pas tourner autour du pot : tout cela ne suffira cependant pas.
Le seul vrai plan — le seul plan, désolé de le dire — contre l’Arizona, c’est une victoire politique. En 2029.
Le seul vrai plan contre l’Arizona, c’est une victoire politique nette, large, sur une ligne de transformation sociale, sur une ligne faisant de l’égalité sociale son point cardinal.
Et disons-le sans détour : ça n’est pas DU TOUT gagné d’avance.
Parce que, pour gagner, il ne suffira évidemment pas à la gauche de critiquer (même si ce sera évidemment à juste titre) le bilan dramatique des droites au pouvoir. Il lui faudra proposer une alternative politique forte, crédible, sur les questions essentielles de notre temps : la paix entre les nations (qui ne peut plus se fonder sur la fuite en avant consumériste sur laquelle la construction européenne repose fondamentalement), le travail (qui doit permettre de vivre dignement, qui doit retrouver sens mais qui, aussi, deviendra une partie moins importante de la vie si l’on parvient à domestiquer l’IA), le climat (dont le bouleversement a cessé d’être une perspective future et devient un présent catastrophique, qui appelle beaucoup plus de mise en commun des ressources pour ne laisser personne sur le côté).
Parce que, pour gagner, il faudra — c’est une condition sine qua non — que le peuple de gauche se réconcilie avec la politique. Il faudra certes que les militants politiques qui tiennent aujourd’hui les partis acceptent d’être remis en question dans leurs certitudes et leurs habitudes par de nouveaux militants, porteurs de nouvelles façons de faire et de préoccupations renouvelées. Il faudra que les partis se reconnaissent humblement comme des communs étiolés. Il faudra aussi que l’on cesse d’accabler les personnes qui s’engagent en politique sous un amoncellement de procès d’intention toxiques, de quolibets, de grossièretés (et j’en passe).
Parce que, pour gagner, il faudra retrouver — reconstruire, je le crains — des canaux de communication de grande diffusion, dans un paysage où il n’existe quasiment plus de média de gauche (et où même les médias dits alternatifs ne donnent d’ailleurs quasiment jamais la parole aux élus de gauche pour exprimer des idées, du projet, une vision possible de l’avenir), où les rares journaux encore en vie se concentrent désormais dans un unique groupe de presse (ce qui donne une idée de la marge de manœuvre dont disposeront les journalistes soucieux de donner la parole aux idées qui déplaisent aux propriétaires dudit), où les multinationales gigantesques qui contrôlent les réseaux sociaux manipulent ouvertement leurs algorithmes pour réduire la visibilité des idées progressistes.
Parce que, pour gagner, il faudra des moyens, beaucoup de moyens. Face à une droite qui sera plus puissante que jamais.
Si vous partagez plus ou moins ce constat, accordons-nous sur le fait qu’il serait tout à fait déraisonnable de compter passivement sur les seuls militants — trop peu nombreux, vieillissants, souvent accablés par la charge — qui tiennent courageusement les partis politiques à bout de bras pour faire tout cela. Et que le moment est donc venu de l’engagement.
Et il me semble évident que c’est au Parti socialiste qu’il faut aller, autour de lui qu’il faut se rassembler. Aucune autre organisation n’est capable de rassembler de façon suffisamment large d’ici 2029. Aucune autre organisation ne pourra peser suffisamment sur la formation des prochains gouvernements. Aucune autre organisation ne dispose de l’indispensable maillage territorial, dans toutes les communes, tous les quartiers.
Je ne vais pas vous dire que le PS est parfait. Je sais qu’il ne l’est pas. Il existe même un risque — certains y travaillent — qu’il valse social-démocrate (comme on dit). Mais justement, raison de plus pour s’en emparer, pour le nourrir, l’irriguer de nouvelles idées, pour le tenir fermement du côté des exploités, des cabossés, des méprisés, du côté du peuple.
C’est maintenant que ça se passe. Six mois avant les élections, il sera trop tard pour se réveiller.
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