Chronique dans A+ #232
Tous les dix ou douze ans a lieu la négociation — dans laquelle les Régions ont leur mot à dire — des plans d’investissements du groupe SNCB. C’est bien sûr un moment clé pour l’organisation de la mobilité. Ce l’est aussi pour celle du territoire, tant il y est vrai que le rail joue un rôle majeur sur ce plan — et va jouer un rôle de plus en plus central avec la saturation des infrastructures routières et la pression sur les prix énergétiques.
Si la Flandre dispose d’évidence d’une stratégie ferroviaire, si Bruxelles bénéficie d’un débat urbain très vivant, notamment sur la mobilité, la Wallonie, quant à elle, semble s’égarer dans une vision somptuaire et anecdotique du chemin de fer. En dépit d’une clé de répartition des moyens (60% - 40%) très défavorable à son territoire plus étendu, il semble difficile d’y dégager des priorités qui amélioreront le service pour les usagers quotidiens du rail. Après le projet de lignes nouvelles le long des autoroutes, défendu il y a une dizaine d’années et heureusement oublié, deux projets témoignent de cet état de fait.
La destruction annoncée de la gare de Mons pour lui substituer une « gare Calatrava », sur le modèle liégeois, est un non-sens ferroviaire. Rien ne justifie en effet le remplacement — plutôt que la rénovation et la modernisation — de cette gare qui est en bon état et suffit aux besoins de ses usagers. De surcroit, cette décision témoigne d’un mépris regrettable pour l’architecture des années ’50 — la gare est un bâtiment remarquable de l’architecte René Panis, qu’on risque fort de regretter.
Le projet d’une gare souterraine sous l’aéroport de Gosselies (un demi-milliard d’euros) est encore plus stupéfiant. Loin d’être la grande gare dont le Nord de l’agglomération carolorégienne aurait besoin, reliée aux transports urbains et facilitant, pour ses habitants, la mobilité vers Nivelles, Bruxelles ou Anvers, le projet est exclusivement centré sur l’activité aéroportuaire, dont le modèle économique — le « low cost » — est pourtant éminemment fragile, coûte plus cher qu’il ne rapporte à la Région.
Dans le même temps, les performances de la dorsale wallonne, entre Liège et Tournai, restent dramatiquement mauvaises. Des sous-régions entières ne sont plus desservies par le rail et le parlement wallon s’est opposé (!), pour d’obscurs motifs, à la réouverture du tronçon frontalier Dinant-Givet. Ne parlons même pas d’une vision plus prospective, visant à réorganiser le réseau autour d’axes correspondants aux besoins actuels — telle que la Transbrabançonne. Elle relève dans les circonstances actuelles de l’aimable utopie.
Et puis, surtout, peu de monde en Wallonie semble se soucier du non-respect, par la SNCB de l’obligation qui lui est faite dans son article 10 d’étudier la faisabilité de réseaux suburbains autour des quatre grandes villes du pays, outre Bruxelles : Anvers, Charleroi, Gand et Liège. Il s’agit pourtant d’une opportunité majeure pour ces quatre villes — à l’instar des grandes villes allemandes qui disposent toutes d’un « S-Bahn » — de trouver des solutions de mobilité à moindre coût.
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