Accueil > Au Conseil communal > Interpellations > Pour que Liège se déclare hors du Grand marché transatlantique

Interpellation

Pour que Liège se déclare hors du Grand marché transatlantique

J’interpelle ce lundi 2 juin le Collège communal sur les conséquences possibles du « Grand Marché Transatlantique » (GMT, alias TAFTA, alias TTIP), actuellement en cours de négociation.

Avec VEGA, nous demandons que la Ville de Liège, à l’instar d’autres collectivités en Europe, se déclare « Ville hors GMT ».

Voici le texte de cette interpellation.

Monsieur le bourgmestre,

Comme vous ne l’ignorez certainement pas, la Commission européenne négocie actuellement un traité de libre-échange avec les Etats-unis, couramment dénommé « grand marché transatlantique ».

L’objet de ce « grand marché » devrait être de libéraliser les échanges de marchandises par la suppression des droits de douanes et d’induire « une harmonisation progressive des réglementations et de la reconnaissance mutuelle des règles et normes en vigueur.

Le mandat de négociation prévoit l’instauration d’une concertation législative, qui obligera à consulter la contrepartie américaine avant d’adopter une législation européenne, ce qui signifie non seulement la perte de notre souveraineté, mais aussi, dans les faits, la fin du principe de précaution, qui permet par exemple de limiter l’entrée en Europe de la viande aux hormones, des poulets chlorés, des OGM, et bien d’autres produits que les entreprises voudraient introduire sur le marché.

L’accord devrait également contenir l’instauration d’un mécanisme qui permettra aux investisseurs d’assigner les Etats devant un tribunal arbitral pour réclamer des compensations financières si un pouvoir public adopte une législation (sociale, environnementale,…) que l’entreprise ou l’investisseur estime dommageable pour les profits qu’il escompte tirer de son investissement.

Les négociations menées par la Commission quant à cet accord se déroulent avec la plus grande opacité à l’égard des instances élues, des organisations syndicales ou des ONG – à l’inverse de ce qui prévaut pour les représentants et consultants des firmes multinationales.

Avec le groupe parlementaire européen de la Gauche unitaire européenne (GUE), auquel nous nous nous associons, nous craignons que la conclusion de cet accord menace nos législations en matière environnementale, sociale, sanitaire, ou encore le fonctionnement voire l’existence de certains de nos services publics. Il est utile ici de rappeler que les Etats-Unis, de leur côté, n’ont signé ni l’accord de Kyoto, ni les Conventions de l’Organisation internationale du Travail.

Les promesses de croissance et de création d’emplois mises en avant par la Commission européennes sont contredites notamment dans un rapport réalisé par la Fondation autrichienne pour les recherches et le développement et commandée le groupe de la Gauche unitaire européenne.

Cette étude démontre que la mise en œuvre de ce marché aura surtout pour effet de libéraliser le marché, avec en conséquence des délocalisations d’entreprises. Cette étude démontre le cout important de cet accord pour les pouvoirs publics qui devront assumer la mise au chômage de travailleurs et les aides à d’éventuelles réorientations professionnelles. Cette étude démontre le coût important de cet accord pour les pouvoirs publics qui devront assumer la mise au chômage de travailleurs et les aides à d’éventuelles réorientations professionnelles.

Le TTIP ouvre plus grande la porte à la mise en concurrence de nos services publics avec le secteur privé (belge, étranger ou demain nord-américain). La notion de service public a déjà subi bien des détricotages : au niveau national, l’on parle désormais de missions de services public, dont certaines peuvent être assurées par le privé. Au niveau européen, l’on parle de services d’intérêt général ou de service d’intérêt économique général : aucune définition n’a périmétré ces notions ; seul a été défini un « service universel », qui correspond dans les faits à une vision minimaliste de ce qu’est un service public. Cette évolution a ouvert la voie à l’arrivée en Belgique d’acteurs économiques privés (postaux, par exemple, et demain ferroviaires) qui accaparent peu à peu les missions, mais aussi les emplois de service public.

Avec le TTIP, cette colonisation va pouvoir s’amplifier à l’échelle transatlantique : un investisseur des Etats-Unis pourra profiter de l’ouverture transatlantique à la concurrence pour se positionner sur des segments d’activité économique jusqu’ici couverts par ce qu’il reste de nos services publics – y compris au niveau local. Avec en ligne de mire, n’en doutons pas une seconde, le profit maximal – comprenez la rationalisation, la restructuration et la mise à pied de nombreux travailleurs.

Le TTIP aura donc un double impact prévisible.

D’une part, il facilitera les délocalisations (départ vers l’étranger d’entreprises employant des travailleurs en Belgique), d’où pertes d’emploi en Belgique.

Et, d’autre part, il favorisera l’implantation en Belgique d’entreprises états-uniennes qui restructureront nos entreprises, notamment nos services publics y compris locaux, avec les mêmes conséquences en matière d’emploi.

Un mouvement de résistance se développe au niveau des collectivités locales pour que le Grand marché transatlantique soit rejeté comme le furent auparavant l’Accord multilatéral sur les investissements (AMI, 1997) et l’Accord commercial anti-contrefaçon (ACTA, 2012).

En France, quatre régions se sont déclarées hors grand marché transatlantique ; l’Auvergne, Ile-de-France, Limousin, Picardie et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Trois autres régions ont demandé un moratoire et un débat autour des négociations. Deux départements (Seine-Saint-Denis et Tarn) et 7 communes (Besançon, Briançon, Crévoux, Grande Synthe, Niort, Saint-Denis et Sevran) se sont déclarés zone hors TTIP.

Ces collectivités françaises craignent un accord qui engagera « tous les niveaux de gouvernement », comme le souligne par ailleurs le mandat de négociation de la Commission européenne. C’est ce que confirme également Raoul Marc Jennar, spécialiste des relations internationales, des questions européennes et du droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Avec ces collectivités françaises, ainsi qu’avec les partis de la Gauche unie européenne auquel nous nous associons, nous nous inquiétons des effets de ce traité sur deux points :

Quant à notre liberté législative et démocratique de maintenir et d’adopter des normes protectrices d’intérêts généraux même si cela doit porter atteinte à des intérêts commerciaux.

Quant au cout humain en matière de mobilité des travailleurs sur le marché du travail transatlantique.

Monsieur le Bourgmestre, pouvez-vous nous rassurer quant aux effets de cet accord sur la politique communale ? Dans le cas contraire, soutiendriez-vous pour la Ville de Liège, une initiative visant à ce que les collectivités territoriales puissent défendre leurs intérêts dans cette négociation ?